Dans mon café
Y a tous les stŷles
Du pue-la-sueur
Au bien peigné
Du petit dealer
Au mal fringué
Dans mon café
Y à certains sketchs
A ne pas manquer
La politique
Les immigrés
Les matchs de l’Om du Psg
Dans mon café
Y a d’la misère
A partager
Derrière le comptoir
Y a l’gros Dédé
Qui rince les verres
Et jette les dés
En remettant une tournée
Dans mon café
C’est comme une île
Au bout de la ville
On laisse nos emmerdes au-dehors
On rentre on boit on parle fort
Dans mon café
Au mois d’août
Quand c’est fermé
C’est l’hiver en été…
…
Bien sûr plus loin dans la vallée
Il y a Mickey le rêve américain
Mais ici si tu veux voyager
Y atout c’qui faut pour délirer
Ça commence dans ton escalier
Quand ton voisin l’Huma à la main
Te dit bonjour en levant le poing
Tu prends le bus station Aragon
T’en as plein la gueule du béton
Tu admires la tour Picasso
Qui se dresse comme un paquebot
Tu t’arrêtes Place Stalingrad conquis
Là ou fleurissent les murs de graffitis
Tu lis surpris les affiches du parti
En traversant le parc Gorki
Dans la rue Karl Marx t’as enfin compris
Qu’ici on fait encore dans la nostalgie
Et là tu voies la mairie tout au bout
En brique bien rouges comme à Moscou
Bienvenue à Coco land
Tout seul ou bien en bande
Est-ce que les lendemains chanteront fiers
Pour les enfants du nucléaire
En bas à gauche y en a partout
Des murs des grilles et des boutons
Des ascenseurs pour toucher le fond
Des maisons de détention
Ces noms gravés dans nos mémoires
Font-ils encore partis de l’histoire
Jean Jaurès Léon Blum Guy Môquet
Dans la cité qui les connaît
Avant la guerre c’était le village
Tout droit sorti du Moyen-âge
Les usines se sont implantées
Les étrangers sont arrivés
Un jour l’Etat a décidé
Qu’il fallait tout restructurer
La banlieue rouge s’est vite fanée
En emportant tout son passé
Y a plus un arbre depuis longtemps
Plus de pavillons que de bâtiments
Des entrepôts qui sont fermés
Et des chômeurs expatriés
La fête du parti au mois de juin
Depuis longtemps ne fait plus le plein
Les gens viennent juste pour le chanteur
Les militants on mal au cœur
Et tous ceux qui ont sacrifié
Leur jeunesse pour l’égalité
Tout ceux qui chantaient l’Internationale
Ne voient rien d’autre pour idéal
Que des élus dans leur costard
Qui paradent heureux comme des stars
Les camarades la banlieue rouge
A vraiment la couleur du blues
Elle s’enferme dans son univers
Ecoute Ferrat relit Prévert
Le bleu de travail tout en guenille
Est mort dans un coin de la ville
Bienvenue à Coco-land
Tout seul ou bien en bande
Est-ce que les lendemains chanteront fiers
Pour tous ces gens qui vivent l’enfer…
De l’autre côté du périph [Ed Bérénice 2002]
…
Je naquis le vingt-trois avril à Paris quinzième
mon toit fut la banlieue les squares ma bohème
me fis mes premiers pas sur les quarante-cinq
tours yéyé
que ma sœur twistait en Bill Haley les jeudis
après-midi
J’ai sucé mon pouce sur Bardot Cloclo et Dalida
j’ai connu la fin de Rintitin Nounours et de Disco-
rama
c’était du temps d’Angélique du pop art et des
loubards
des Dinky-Toys des fesses de Polnareff et des
Carambar
A douze ans Mick Jagger soixante-huit et Gains-
Bourg
Les affiches de Reiser Marcellin la matraque au
carrefour
on suivait les grands dans les manifs on gueu-
lait des slogans
un général en uniforme sur la seule chaîne
s’adressait à la chienlit
on a surfé la loi Debré l’accordéon de Giscard et
les macs-crado
Raymond Barre les bébés phoques et les centres
Commerciaux
A dix-huit ans New York Hermann Hesse Andy
Warhol David Bowie
Amsterdam les vendanges la fête de l’Huma les
Films de Tati
Rimbaud pleurait sur les murs gris des lycées en
colère
on parlait du Nicaragua du Tibet et du nucléaire
o, faisait des A.G. on voulait tout foutre en l’air
Jack Lang Kouchner n’avaient pas encore trahi
Leur frères
Les années quatre-vingt Devaquet les punks
radios libres et Mesrine
la new wave le sida les TUC la fin des usines
relookées par Gautier en loft pour bobos caviars
faux branchés
au bout de la ville en ruine les rodéos ont
décentralisé
les années à la Tonton sur le fond de techno de
haine et de chômage
la nostalgie du national l’adolescence le rap la
mort des villages
Mandela Simple Minds l’apartheid Coluche et
les promesses
anti social hurlait la jeunesse au son des télé-
phone de la tendresse
Etre né quelque part en banlieue ou ailleurs
Juste pour se souvenir qu’on était voyageur
Egrenant les heures dans la lutte et la douleur
Maquisard de l’enfance pour ne pas oublier
Le partage des valeurs les balles en plein cœur
J’ai le souvenir d’avoir été ce cri singulier.
Actes de Naissance [ Ed. La Passe du vent, 2003]
Biographie:
Pierre MEIGE est né au printemps, lorsque les oiseaux commencent à chanter, en avril 1956. Il à quatre ans lorsque ses parents lui font apprendre le piano. Il joue les classiques [Mozart, Bach,...] mais par goût, il va apprendre le jazz et la musique Rock. Celle-ci l’influencera à tel point qu’il rédigera un essai, bien des années plus tard, intitulé “Les poètes du rock”. Après ses études, en 1975, il devient chanteur dans des groupes éphémères et pianiste de bar dans le quartier Saint Germain des Prés. En 1980 il entame une carrière de chanteur et signe six albums chez RCA. Aujourd’hui il enseigne aux plus jeune l’art de la musique et est l’un des plus ardents défenseurs de l’art populaire. Il anime de très nombreuses soirées littéraires et musicales et reste attaché à la banlieue parisienne qui le vit naître. Auteur, compositeur, musicien, poète, Pierre Meige a publié plusieurs oeuvres de genre très différents. Ceci manifeste chez lui, une agilité intellectuelle peu commune: il sait écrire des essais extrêmement documentés, des romans noirs ou fantastiques, bâtir des poèmes dont on ne se lasse pas de répéter les strophes. Connaissant la musique des mots, Pierre Meige sait en jouer dans une oeuvre littéraire, comme il le fait avec les notes dans son oeuvre musicale.
En 2001, il publie son premier ouvrage 'De l’autre côté du périph' , recueil de poésies [Editions Bérénice]. D’autres ouvrages suivront : 'La Dame blanche' aux éditions de l’Ours Blanc , 'Noël noir' Editions de l’Ours Blanc, 'Les poètes du Rock' [Editions de l’Ours Blanc], 'Mémoire de la cité du 2152' [Collection du patrimoine du 93], 'L’heure injuste' [Editions la Passe du vent] et 'Paroles vanvéennes' [Edition du bout de la rue].